Concentration, détente, sensorialité

Sur quoi repose l’art thérapie ?

F.C.: La pratique artistique est un terrain d’exploration de soi. Lorsque nous cheminons dans un projet artistique, nous composons avec ce que nous sommes. Nous faisons des choix, commettons des erreurs, cherchons des solutions jusqu’à aboutir à une création qui nous correspond et nous donne satisfaction.

Ce processus créatif mobilise de nombreux mécanismes physiques et psychiques – nos sensations, nos émotions, notre personnalité – dans un même mouvement et un même moment. Et cette dynamique a des effets thérapeutiques, éducatifs et relationnels.

Tout le monde peut essayer ?

F.C.: Tout le monde, homme ou femme, pourvu qu’on ait un minimum de sensibilité artistique. Mais pas besoin d’être connaisseur ou d’avoir des compétences pour participer à l’atelier. Il faut seulement être sensible à l’art et ressentir l’envie ou le besoin d’expérimenter son potentiel artistique dans une visée thérapeutique. En tant qu’art-thérapeute, je ne fais qu’aider les personnes en souffrance à exploiter les pouvoirs de l’art pour soulager les pénalités existentielles.

Ce sont toujours des ateliers collectifs ?

F.C.: Oui, avec au maximum 6 personnes, mais c’est un groupe ouvert. Les gens vont et viennent en fonction de leurs besoins, de leurs soins, d’où ils en sont dans leur parcours. Au fil des séances, j’apprends à connaître chaque participant et j’appréhende les attentes individuelles au sein du collectif.

Mon travail consiste à observer le comportement des gens dans leur processus créatif, à passer du temps auprès de chacun. Il ne s’agit pas de traiter le groupe dans son ensemble, mais comme un ensemble d’individualités.

Peut-on parler d’expérience sensorielle ?

F.C.:Tout à fait. Et cette expérience a ses vertus dans le tohu-bohu physique et psychologique qu’est le cancer. L’art thérapie agit en complément des autres soins de support proposés à l’ERC comme la socio-esthétique, l’activité physique adaptée…

En développant la capacité d’observation, l’art-thérapie permet de mieux s’accrocher au présent. Donc évite de trop se projeter. En s’entraînant à trouver des solutions, il permet de mieux réagir face aux situations nouvelles et de mieux rebondir. En ouvrant le champ des possibles, il permet à certaines personnes de se découvrir une nouvelle occupation. Souvent, des personnes repartent avec leur création pour continuer leur projet chez elles.

Vous souvenez-vous d’une belle histoire ?

F.C.:Je me souviens d’une femme qui, dans la vie courante, avait de réelles difficultés à mettre des contours à ses envies, à ses besoins, elle vivait dans le flou.

À l’atelier, c’était la même chose : tous ses dessins restaient dans le flou, dans des formes indéterminées. Je l’ai progressivement amenée à donner plus de consistance à ce qu’elle dessinait et peignait, avec des contrastes plus marqués, des contours plus nets… Quand ce processus a été engagé, cette femme a réussi à mieux diriger sa vie, à déterminer ses choix, à se situer dans sa famille.

Je sais depuis longtemps que l’art a d’autres fonctions que faire du beau. Mais je suis toujours étonnée de constater à quel point il peut aussi faire du bien.