Quand la parole soulage

Pourquoi animer un groupe de parole au sein d’un ERC ?

J’ai été confrontée au cancer dans ma carrière, lors des consultations d’annonce auxquelles j’ai participé en tant qu’infirmière. Plus tard, j’ai passé un diplôme universitaire en éducation thérapeutique. Arrivée à la retraite, et soutenue par la Ligue contre le cancer, j’ai voulu mettre ma pratique au service de patientes en traitement ou en rémission, mais qui toutes ont besoin de parler de leur maladie et de la manière dont elles la vivent.

Comment cela se passe-t-il ?

Les séances ont lieu 1 fois par mois à raison de 2h par séance. Les groupes sont constitués de 5-6 patientes. Il n’y a pas de programme à proprement parler, mais d’une manière générale, la première séance est consacrée à l’annonce, à la façon dont on leur a annoncé la maladie et dont elles ont reçu cette annonce. Chacune a son histoire. Elles découvrent que peu ou prou, elles sont toutes passées par les mêmes épreuves. Le lien s’établit très vite dans le groupe. Car elles ont tellement de choses à dire, tellement de blessures à raconter…

Quels sont les thèmes de discussion abordés ?

J’ai toujours une thématique dans mon petit panier à pique-nique : le retentissement de la maladie sur la famille, sur le travail, l’image de soi… Certains sujets arrivent tout seul, le retentissement de mon cancer sur la famille, par exemple. Parce que les conséquences de la maladie dans la famille, mais aussi sur l’entourage amical ou professionnel, sont souvent énormes. Le choc au niveau du conjoint et des enfants, ou encore la distance difficile à mettre avec les parents qui sont eux-mêmes angoissés, sont des sujets récurrents.

La perte d’estime de soi, parce qu’on a pris du poids ou qu’on a perdu ses cheveux, revient aussi très souvent. De même que le rapport qu’on peut avoir avec le monde médical, selon l’expérience qui a été vécue.

Vous-même suggérez certains thèmes de discussion ?

Oui, en ce moment par exemple, je mène avec un groupe un travail très intéressant sur la thématique reprise du travail. C’est un processus à accompagner car les femmes peuvent être tout feu tout flamme à l’idée de reprendre leur activité professionnelle. Mon rôle est alors de les mettre en garde. En raison des traitements longs et douloureux qu’elles ont subis, elles vont sans doute être vite extrêmement fatiguées. J’essaie de tirer les rênes vers l’arrière, pour qu’elles ne s’emballent pas trop vite, en reprenant tout de suite un emploi à plein temps par exemple.

Vous semblez très attachée à ces patientes…

Je suis là pour les guider, pour ouvrir la porte à leurs émotions. Il y a beaucoup de retenue chez les personnes atteintes d’un cancer, notamment pour ne pas affoler leur entourage. Un cancer, c’est une tempête. Et certaines émotions ont du mal à sortir. À moi d’aller les chercher en douceur, et de faire en sorte que les personnes apprennent à les gérer.

J’accompagne, j’écoute, je soutiens ces femmes qui sont très bienveillantes, rassurantes, encourageantes les unes envers les autres.

C’est très émouvant de sentir autant de solidarité.