« Tout est affaire d’harmonie »

De quelle manière intervenez-vous au cours de ces ateliers ?

Y-M. M. : J’anime des ateliers en collectif ou des rencontres en individuel pour les personnes qui ont du mal à se livrer devant d’autres. Je suis là pour écouter les participants et libérer leur parole. Ils peuvent avoir du mal à évoquer leur maladie, et encore plus les troubles de la sexualité que celle-ci peut entraîner. Notamment les hommes. Les femmes se livrent plus facilement et comprennent ce que je veux dire par “affectif“. Tout simplement parce qu’elles sont les garantes de la transmission affective dans la famille. Mon rôle est donc d’accueillir cette parole et de l’encourager. De tendre des perches, en quelque sorte.

Qu’est-ce qui vous motive à aider ces personnes ?

Y-M. M. : Durant ma carrière de médecin, j’accompagnais les futurs parents dans la pratique de l’haptonomie. Avant la naissance de leur enfant, je les aidais à communiquer à leur bébé toute l’affection qu’ils lui portaient. La dimension affective a donc toujours été importante à mes yeux, et j’ai pu aussi prendre conscience qu’elle avait un rôle dans l’apparition de certaines maladies.

Le cancer et les traitements ont des répercussions importantes dans la vie d’un couple. Mais il peut aussi y avoir des traumatismes ou des problèmes refoulés, pré-existants à l’apparition de la maladie,– la disparition d’un être cher, un conflit familial ou un mari violent, par exemple – qui sont révélés par elle et qui ont tous une composante affective. Toutes les personnes qui participent à mon atelier ont un poids sur le cœur. Et en parler les soulage, cela leur évite de ruminer des contrariétés.

Qu’est-ce qui libère la parole ?

Y-M. M. : Le fait de se sentir autorisé à parler de choses intimes, se rendre compte qu’on est pas seul à avoir des problèmes, qu’on est écouté…

En se confiant, on se sent en paix. Mais le plus souvent, il faut un peu de temps pour arriver au nœud du problème. Questionner de manière trop directive peut causer plus de dégâts que de bien. Il faut donc avancer prudemment, avec une oreille attentive et bienveillante. Moi, je suis là pour prendre ce qu’on me donne.

Se confier suffit-il à résoudre tous les problèmes ?

Y-M. M. : Non, car nous vivons dans une société de la performance, y compris au plan sexuel où chacun se croit dans l’obligation de satisfaire son partenaire. La frustration qu’entraîne la maladie doit donc être abordée, discutée, partagée pour comprendre qu’il y a souvent domination de l’un sur l’autre. Or dans un couple, se sentir à égalité est primordial, et l’harmonie permet de découvrir qu’il existe différentes expressions de la sexualité. Se sentir pacifié, sans culpabilité, est donc essentiel. D’ailleurs, les équipes pluridisciplinaires qui prennent en charge les personnes atteintes d’un cancer reconnaissent qu’un protocole de traitement est plus efficace quand la personne est en paix avec elle-même.